Talent Economy :

Pourquoi et comment structurer la relation entreprise- indépendants ?

une nouvelle organisation du travail se dessine progressivement.

Les mentalités évoluent elles aussi, et DRH comme managers innovent pour repenser la relation avec les freelances. C’est tout l’objet du livre blanc OMS/Roland Berger intitulé “Entreprises et freelances, vers une collaboration structurée”. Il dresse un panorama exhaustif des opportunités et défis de cette nouvelle source de talents et livre les best practices pour construire une relation structurée entre entreprises et indépendants.

Tout en souhaitant préserver leur liberté d’organisation, les freelances apprécient – voire recherchent –  une relation cadrée et suivie avec leurs clients : un process d’onboarding clair, la participation à la vie d’entreprise, un suivi de mission de qualité… Tout doit être réfléchi pour optimiser et pérenniser le mode d’organisation hybride, où salariés et indépendants collaborent, concentrés sur leur savoir-faire.

La compétence doit primer sur le type de collaboration, insiste Mathilde Le Coz, DRH de Mazars.

Découvrez les interviews de Mathilde Le Coz, DRH chez Mazars, et de Jean-Yves Calloc’h, Chief Digital Officer chez Pernod Ricard : tous deux ont fait le choix de la compétence avant tout et défendent les vertus d’un modèle hybride, nouvelle clé de compétitivité des entreprises.

Le sujet vous interpelle ? N’hésitez pas à télécharger notre livre blanc pour en apprendre plus.  

Mathilde le CozPrésidente du LabRH.

Nouveaux modèles managériaux, nouvelles organisations de travail, nouveaux outils, nouveaux environnements, nouvelles règles du jeu, sans oublier engagement, fun et innovation… Elle accompagne l’ensemble des mutations humaines et opérationnelles en lien étroit avec les experts métiers afin de les rendre acteurs de cette transformation.

Elle nous partage, dans cette interview exclusive, son avis éclairé sur l’évolution du freelancing et la meilleure manière d’intégrer ce mode de collaboration au sein des entreprises. 

Comment analysez-vous le développement du freelancing ?

D’un côté, l’offre se développe : d’anciens salariés souhaitent devenir indépendants, tout en continuant à travailler pour leur ancien employeur ; de nombreux jeunes souhaitent être leur propre patron, mais pas nécessairement chef d’entreprise. Ils aspirent à se gérer eux-mêmes, à avoir la liberté d’organiser leur temps, de choisir les entreprises et les missions qui correspondent à leurs besoins. Cette quête de sens reflète une approche presque philosophique de l’évolution du monde du travail.

En parallèle, on observe une forte croissance de la demande de compétences rares : les organisations ont besoin des freelances au sein de leurs équipes ! Il est donc nécessaire de repenser la manière dont nous concevons le travail, en remettant en question la verticalité, les silos et les modèles de management dépassés.

Les entreprises d’aujourd’hui sont de plus en plus transversales et horizontales. Dans ce contexte, les freelances sont devenus une réalité structurelle : nous devons réfléchir à la manière de l’aborder, pour pérenniser le système !

Nous voulons créer une galaxie de compétences, avec des atouts et des points forts spécifiques à chaques projet.

Comment construire un écosystème RH attractif pour les freelances ?

Certaines compétences ne se trouvent pas au sein des équipes en place, et se priver de freelances les priveraient de ressources essentielles. Au-delà d’une compétence spécifique, lorsqu’un freelance rejoint un projet d’équipe, il apporte un regard neuf sur les process et le marché. Dans le cadre de sa marque employeur, une entreprise doit s’adresser spécifiquement aux freelances et leur donner envie de travailler pour elle. Cela passe notamment par des entretiens de recrutement spécifiques : les meilleurs indépendants étant très sollicités, il faut savoir les convaincre de rejoindre une organisation et le process de recrutement se fait alors dans les deux sens ! Nous cherchons à faire intégrer une équipe plutôt qu’à recruter un renfort opérationnel pour une durée limitée. 

Comment envisagez-vous l’intégration des freelances ?

La communication entre le manager et l’équipe projet en amont est indispensable. En donnant une vision à l’équipe et notamment en leur expliquant pourquoi l’accueil d’un freelance est nécessaire pour remplir une mission précise, son arrivée est vue comme un renfort, alors accueillie favorablement.

Comment aider les managers à adopter une stratégie RH adaptée aux freelances ?

Si le manager adopte un rôle de contrôleur du temps, la situation avec l’indépendant peut devenir compliquée. Mais si le manager a pour mission d’animer et de donner une vision, de gérer en toute confiance et de favoriser un mode de fonctionnement horizontal, alors la gestion des freelances se fait avec sérénité !

Pierre-Yves Calloc’h est Chief Digital Officer chez Pernod Ricard depuis 2020.

Passionné par la technologie et la découverte de nouvelles cultures, Pierre-Yves a exercé en Australie, en Espagne, en Colombie et en France dans différentes fonctions et business-unit de Pernod Ricard et est à présent en charge de la conduite de la nouvelle phase de transformation digitale au sein du groupe Pernod Ricard et de la gestion d’équipes transversales très engagées sur les 5 continents.

Pionnier dans le recours aux indépendants, Pierre-Yves Calloc’h revient sur son rapport à l’indépendance et la valeur ajoutée que cela apporte au sein de ses équipes.

Vous avez été pionnier dans le recours aux freelances chez Pernod Ricard, et n’envisagez aujourd’hui pas de vous priver de leurs compétences. Pourquoi faire intervenir des indépendants, de façon pérenne, au sein de vos équipes ?

Pour gagner en compétitivité et renforcer les équipes en place, j’ai en effet recours depuis 25 ans à des compétences en freelance.

Nous les sollicitons pour répondre à des enjeux multiples : 

  •  Lors de la création d’une nouvelle équipe : le freelancing permet la mise en place rapide de l’équipe, tout en continuant à discerner les compétences nécessaires pour l’avancée du projet. On affine ainsi progressivement les profils. 
     
  • Au cours de l’évolution d’un projet : de 0 à 100 puis de 100 à 10 000, le profil requis évolue nécessairement avec le niveau de maturité de la démarche. 

  • Sur des sujets innovants (IA, data…), certaines compétences sont difficiles à dénicher au sein des profils salariés. 

  • Pour le lancement d’un nouveau projet ou l’ “ouverture” d’un pays : mettre en place une workforce flexible nous permet de gérer l’incertitude intrinsèque au démarrage des projets.

De quelle manière intégrez-vous les freelances au sein de vos équipes ?

Sur tous les sujets, je mobilise des compétences internes et externes, ce qui a prouvé son efficacité. 

Les freelances sont gérés comme des salariés, à quelques exceptions près (évènements de fin d’année par exemple) ; le processus d’onboarding est uniforme. Avec 250 personnes dans mes équipes, dont la moitié sont des travailleurs indépendants, la démarche d’onboarding est quasi permanente. 

Notre objectif est de permettre à tous les collaborateurs, qu’ils soient salariés ou freelances, d’accéder aux mêmes informations et aux mêmes outils pour être le plus performant possible.

À mon arrivée, les équipes n’étaient pas familières avec cette organisation, mais nous avons progressivement montré les avantages du modèle hybride. Nous avons même étendu cette approche à d’autres départements de Pernod Ricard en partageant régulièrement un ensemble de bonnes pratiques. Le process de recrutement est désormais bien établi : le déroulement des entretiens pour les freelances est très similaire à celui des salariés (on s’interroge simplement moins sur la capacité du candidat à atteindre le poste N+1 ou sur ses ambitions de carrière à long terme dans l’entreprise !).

Comment les équipes RH ont-elles appréhendé cette démarche ?

Comme pour toute évolution d’organisation, nous avons dû faire preuve de pédagogie. Il y avait bien évidemment des enjeux juridiques ; nous avons ensemble évalué les risques et mis en place des process visant à les minimiser. Concrètement, tous les indépendants ont une adresse mail Pernod Ricard commençant par “ext”, et les offres d’emploi sont également transmises aux freelances, s’ils souhaitent rejoindre nos équipes de façon pérenne. Concernant la gestion des données sensibles, le risque associé à un freelance est similaire à celui d’un salarié… Je dirais même que les indépendants sont souvent plus conscients de cette question stratégique.

Recherchez-vous à “fidéliser” certains indépendants ?

Certains freelances reviennent en effet de façon périodique : chez Pernod-Ricard, nous les encourageons à rester ou à revenir, en leur proposant un processus d’onboarding complet. Certains indépendants ont développé un véritable réseau interne au sein de l’entreprise et nous n’hésitons pas à les solliciter même en dehors de leur domaine d’expertise, en capitalisant sur leur connaissance de l’entreprise et leur capacite d’adaptation.

Comment envisagez-vous les recours aux free-lances pour les mois à venir? (typologie de missions, durée, mode d’intégration et de fidélisation…)

L’essor du freelancing est une vraie lame de fond : certaines compétences sont devenues quasiment introuvables en interne, et de nombreux profils, qu’ils soient juniors ou seniors, optent désormais principalement pour ce mode de travail à moyen terme. Cette évolution nous pousse à nous réinventer quotidiennement : les entreprises deviennent de plus en plus ouvertes au modèle hybride !

Pourquoi et comment structurer la relation entreprise- indépendants ?